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Retour sur la CapLab portée par CapDroits : Exploration des pistes de réflexions sur la prise de décision pour les personnes en situation de vulnérabilité

La question de la curatelle et de la tutelle est devenue cruciale en France, touchant désormais près d'un million de personnes. Cependant, ces mesures, à l'origine conçues pour être exceptionnelles, suscitent des réflexions, notamment autour des articles 9, 12 et 19 de la Convention Internationale des Personnes Handicapées (CIDPH), quant à leur pertinence et leur utilisation accrue.

Des groupes de travail sur ces thématiques émergent un peu partout en Occitanie comme le projet porté par Grande Bobine et la DREETS “Améliorer la participation des personnes protégées à leurs mesures” auquel participe l’Udaf 65. Et on ne peut pas parler de participation des personnes sans citer la communauté mixte de recherche animée par Capdroit qui a organisé en juin dernier sur deux jours une CapLab à Toulouse. Ces deux journées, ont permis de faire ressortir des pistes de réflexions sur la prise de décision des individus vulnérabilisés par la maladie ou le handicap.

La matinée de la première journée, axée sur la prise de décision accompagnée, a exposé comment les personnes pour lesquelles est ordonnée une mesure de protection reçoivent la  décision de mesure. Les différentes interventions des personnes accompagnées présentes ce jour-là reflètent l’incompréhension, le refus initial, l’acceptation et la question de protection perçue d’abord comme une sanction. L’importance des mots utilisés a été mise en évidence à plusieurs reprises lors de CapLab, soulignant comment des termes tels que « sous protection » peuvent renforcer des attitudes paternalistes et infantilisantes, malgré des intentions protectrices. Le guide des droits et démarches, conçu par le groupe d’expression de l’Udaf 65 repose sur des mots simples et évolue au rythme des changements de la loi française. Cet outil a été créé dans l’objectif de soutenir les majeurs protégés dans la prise d’autonomie et dans le gain de confiance en soi face à des refus ou des renvois quasi systématique des personnes protégés vers le délégué mandataire.  Cependant, la question de la fin de la mesure reste délicate avec peu d’accompagnement post-mesure.

La présentation du livret “Guides des droits et des démarches” fait le lien avec le reste de la matinée qui a été consacrée aux résultats d’une enquête sur les obstacles à la prise de décision au sein de la vie ordinaire et des démarches courantes. Les perceptions des professionnels et du public envers les personnes protégées par la loi ont été discutées, et l’accent a été mis sur la nécessité de sortir de modifier l’approche dans l’accompagnement et de commencer par présumer des compétences des individus vulnérables. L’idée est de penser qu’une personne est capable “par défaut”.

Afin d’enrichir les débats, a également été abordé l’aspect existentiel de la prise de décision. Les concepts de liberté et de responsabilité ont été explorés, mettant en lumière les diverses facettes et problématiques de la décision ainsi que les blocages et les techniques d’évitements face à la prise de décision.

Les interventions de l’après-midi de cette première journée ont élargi la perspective en examinant des approches similaires à l’étranger. Au Mexique, par exemple, il n’existe pas de mesures de tutelle telle qu’en France, et l’utilisation du FALC (Facile à Lire et à Comprendre) est une obligation pour les juges lorsqu’il y a une personne en situation de vulnérabilités pour assurer une meilleure compréhension des lois. Autre exemple, en Amérique Latine la langue des signes est reconnue comme langue nationale. Cependant, il manque la mise en pratique concrète de ses lois. Les débats ont souligné la nécessité d’inclusion et d’appropriation, ainsi que l’impact des mots choisis sur les perceptions, en lien avec les discussions de la matinée.

La fin de cette première journée a apporté des récits personnels, montrant comment l’annonce, la mise en place et l’acceptation de ces mesures peuvent impacter les individus concernés. La qualité des relations d’accompagnement s’est révélée cruciale. Des saynètes d’interaction entre professionnel et majeur protégé filmées par l’Udaf 65 ont été visionnées afin d’illustrer des moments de prise de décision accompagnée et ont appuyé l’importance de la relation d’accompagnement. Une idée novatrice a été proposée : permettre aux personnes en situation de vulnérabilité de choisir leurs accompagnants afin de faciliter leur participation active dans le processus d’acceptation.

La seconde journée a amené les participants à réfléchir aux axes d’amélioration possibles avec notamment le rôle de la communication alternative augmentée dans la prise de décision. Différentes interventions portant sur la prise de décision dans différents milieux de vie ont mis en exergue l’importance des relations de communication. Des retours d’expériences sur le développement de communication alternative ont été partagés.

En fin de compte, ces deux jours ont montré comment le choix des mots, la perception des capacités individuelles et les approches culturelles convergent pour façonner la manière dont les mesures de protection sont pensées, mises en œuvre et ressenties. Une prise de conscience a émergé quant à la nécessité d’adopter des pratiques et des termes plus inclusifs, tout en respectant le pouvoir de décision et l’autonomie des individus en situation de vulnérabilité. “Accompagner les personnes comme un GPS” demande un processus de questionnement qui nécessitera un engagement continu, des changements structurels et une sensibilisation accrue de tous, mais cela offre également la perspective d’une société plus équitable et inclusive pour tous.

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