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Focus groupe : les Institutions réunies autour de la lutte contre la prostitution des mineurs

Dans le cadre de leur projet d’étude, 5 étudiants en Master 1 de Droit public - Parcours Cadre du secteur sanitaire, social et médico-social à l’Université de Pau ont organisé, avec le soutien des services de l’Udaf 65, un temps de travail sur la thématique de la lutte contre la prostitution des mineurs. Le choix de porter ce projet en partenariat avec l'Udaf 65 et l’Observatoire Départemental de la Protection de l’Enfance a été fait dans l’idée de mettre en avant le rôle important de la famille sur le parcours de l’enfant.

La qualification de la prostitution

Lorsqu’il est demandé aux professionnels présents ce jour-là de qualifier en un mot la prostitution des mineurs, les réponses sont variés. Il en ressort clairement l’idée de danger, de besoin de protection, mais aussi la difficulté à qualifier ce phénomène et à mesurer l’impact familial qu’il peut avoir. Comment le qualifier ? Comment aborder le sujet avec les mineurs et les familles ? Comment mettre des mots sur ce type de pratique ? 

Ce sont autour de ces questions que les débats ont été riches et animés. Les étudiants ont apporté quelques éclairages en s’appuyant sur les textes de lois. Il a été rappelé que l’article 13 de la loi relative à l’autorité parentale stipule que la prostitution des mineurs est interdite sur tout le territoire de la République. De ce fait, tout mineur se livrant à la prostitution est une victime, la notion de consentement ne pouvant pas être avancée car cette pratique est prohibée. Le mineur est donc considéré en danger et relève de la protection de l’enfance.

En 2021, la loi sur la prostitution des mineurs a été révisée car elle devenait trop restrictive au regard des pratiques des jeunes sur les réseaux sociaux. Cette révision vient qualifier d’infraction le fait d’inciter un mineur à commettre par un moyen de communication électronique, tout acte sexuel, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers et fait apparaître la notion de “sextorsion”.

Cependant le repérage de la prostitution des mineurs reste troublé par un phénomène protéiforme et mouvant qui s’explique avec l’utilisation de la pornographie comme moyen d’éducation sexuelle, la banalisation de la prostitution, voire même la glorification de cette pratique. A cela vient s’ajouter l’accélération et l’amplification du phénomène liés aux outils numériques. La prostitution des mineurs est d’autant plus difficile à repérer par la difficile prise de conscience par les jeunes concernés. Qu’on l’appelle “escorting”, “michetonnage” “hôtesse” “masseuse”, cela reste de la prostitution.

Faire réseau pour contrer ce fléau

Par la suite, les participants ont été amenés à partager leurs expériences de terrain au cours du “débat mouvant” animé par les 5 étudiants.

Tous les acteurs étaient d’accord pour dire que la première étape pour proposer des solutions à ce problème est de dépasser la sidération que peut provoquer la prostitution des mineurs. En effet, professionnels et familles savent que ça existe, “oui bien sûr mais pas chez nous, pas ici, pas nos enfants”. 

Les débats ont souligné l’importance de faire de la prévention et de déconstruire la représentation de la prostitution auprès des jeunes et des familles. Outiller les familles et les professionnels avec des ressources et des moyens dédiés pourrait être une première piste de réflexion. La Présidente de l’Udaf 65 a rappelé qu’une des missions principales des Udaf est d’interpeller les pouvoirs publics sur les préoccupations des familles. A ce titre, les Udaf sont depuis toujours “précurseurs” et à l’origine des actionnements de leviers dans l’intérêt des familles. La mise en place des ODPE et de l’ONPE est aussi un outil précieux dans la lutte contre la prostitution des mineurs. Ils permettent également de parler de ce sujet et le rendre visible. 

Plusieurs obstacles sont cependant remontés des échanges. Comment accéder aux jeunes et aux familles ? Comment aborder ce sujet qui reste tabou ? Quels moyens humains et financiers pour mettre en place une coordination des acteurs ? 

“Il n’est pas évident de faire collaborer des travailleurs sociaux avec la Gendarmerie ou encore l’Education Nationale”, d’où la nécessité de partager les pratiques professionnelles, d’accepter de travailler ensemble et de coordonner les réponses à apporter. C’est pourquoi cette initative a été qualifiée “d’impulsion positive qui signale une évolution des mentalités.” 

Ce temps de travail avait pour but de renforcer les partenariats et la coopération, voire la coordination, entre les Institutions dans le département. Pari réussi avec la participation d’une dizaine de personnes de différents horizons professionnels. Ce « focus-groupe » a donc été l’occasion de travailler en synergie pour apporter des ressources aux familles et aux professionnels souvent démunis par ce phénomène. Cette journée a également mis en avant l’importance de faire réseau pour améliorer les réponses à cette problématique complexe.

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